La loi n° 2021-1104 dite Climat et Résilience du 22 août 2021 a fixé un objectif de cinq cent mille logements à rénover par an. Pour ce faire, et afin de s’assurer de l’efficacité des travaux, le législateur a défini les notions de rénovation performante et globale et s’appuie sur deux outils majeurs : le plan pluriannuel de travaux et le fonds travaux (qui ne seront pas développés dans cette note). Parallèlement, afin d’encourager les propriétaires bailleurs à rénover leurs bâtis non performants énergétiquement, le législateur a renforcé les contraintes qui pèsent sur eux en créant un gel des loyers et en renforçant le mécanisme d’exclusion du marché locatif.
Des mécanismes de sanction incitant à la rénovation des passoires thermiques
L’exclusion progressive des passoires thermiques du marché locatif a été introduite dans la loi du 6 juillet 1989 par la loi Énergie et Climat du 8 novembre 2019. Ainsi, à compter du 1e janvier 2023, il sera interdit de conclure un contrat de location de logements ayant une consommation de plus de quatre cent cinquante kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable (ce qui correspond à un classement non supérieur à F)1 .
La loi Climat et Résilience a fixé un échéancier d’exclusion des logements moins performants. Ainsi, seront uniquement considérés comme logements énergétiquement décents ceux classés (en France métropolitaine) :
- Entre la classe A et F à compter du 1er janvier 2025 (ainsi, les logements G, considérés comme indécents, ne pourront plus être mis sur le marché)
- Entre la classe A et E à compter du 1er janvier 2028 (logements F et G indécents)
- Entre la classe A et D à compter du 1er janvier 2034 (logements E, F et G indécents)
Par ailleurs, la loi Climat et Résilience a posé une première sanction visant à geler les loyers des passoires thermiques (logements classés F ou G) à partir du 22 août 2022. Les propriétaires de ces logements, qu’ils soient meublés ou non, situés en zone tendue ou non, ne peuvent plus réévaluer les loyers.
En conséquence, le loyer ne peut ni être indexé en cours de bail, ni excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire en cas de nouveau contrat de location, ni être réévalué lors du renouvellement. Ces mécanismes de sanction ont pour objectif d’inciter les propriétaires bailleurs à rénover leurs biens.
Concilier rénovation des passoires thermiques et prise en compte des contraintes architecturales et patrimoniales
Rénovation énergétique performante : des exceptions prévues afin de préserver le patrimoine
Depuis la loi Climat et Résilience, la rénovation énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment à usage d’habitation est dite performante2 lorsqu’elle respecte les conditions suivantes :
- Assure des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air ;
- Classe le bâtiment ou la partie de bâtiment en A ou B3 ;
- Étudie les six postes de travaux de rénovation énergétique suivants : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées.
Toutefois, par exception, une rénovation énergétique peut être qualifiée de “performante” :
• Premier cas : « pour les bâtiments qui, en raison de leurs contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien, ne peuvent pas faire l’objet de travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre un niveau de performance au moins égal à celui de la classe B, lorsque les travaux permettent un gain d’au moins deux classes au sens de l’article L. 173-1-1 et que les six postes de travaux précités ont été traités » ;
• Deuxième cas : *« pour les bâtiments de classe F ou G avant travaux au sens du même article L. 173-1-1, lorsqu’ils atteignent au moins la classe C après travaux et que les six postes de travaux précités ont été étudiés. »
Un décret du 8 avril 20224
est venu préciser les critères relatifs aux contraintes et aux coûts justifiant l’exception prévue au premier cas ci-dessus. Il précise en effet que les bâtiments visés par l’exception sont ceux pour lesquels des travaux de rénovation performante :
« 1° Entraîneraient des modifications de l’état des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour :
a) Les monuments historiques classés ou inscrits, les sites patrimoniaux remarquables ou les abords des monuments historiques mentionnés au livre VI du code du patrimoine ;
b) L’immeuble ou ensemble architectural ayant reçu le label mentionné à l’article L. 650-1 du code du patrimoine [label « Architecture contemporaine remarquable » qui est attribué aux réalisations de moins de cent ans d’âge, dont la conception présente un intérêt architectural ou technique suffisant] ;
c) Les sites inscrits ou classés mentionnés au chapitre Ie du titre IV du livre III du code de l’environnement ;
d) Les constructions, en vertu des dispositions du règlement du plan d’occupation des sols [lire « plan local d’urbanisme »] applicable prises sur le fondement des articles L. 151-18 et L. 151-19 du code de l’urbanisme, et relatives à l’aspect extérieur des constructions et aux conditions d’alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l’aménagement de leurs abords, sous réserve du droit de surplomb pour une isolation thermique par l’extérieur prévu à l’article L. 113-5-1 du code de la construction et de l’habitation ;
2° Excéderaient 50% de la valeur vénale du bien, évaluée par un professionnel dans le domaine de l’immobilier ;
3° Feraient courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos couvert du bâtiment. Ce risque est justifié par une note argumentée rédigée par un homme de l’art, sous sa responsabilité ;
4° Ne seraient pas conformes à toutes autres obligations relatives, notamment, au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes ou à l’aspect des façades et à leur implantation. »
Le tableau ci-dessous résume les exceptions :
Il convient de relever que, dans la première hypothèse du premier cas, l’examen des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales se fait notamment au regard des règles et prescriptions prévues pour les MH, les SPR, les abords des MH, les sites inscrits ou classés, les constructions protégées par le PLUi ainsi que les immeubles bénéficiant du label Architecture contemporaine remarquable.
En d’autres termes, il existe un levier d’action dans la rédaction des règles du PSMV et du PLUi de sorte à permettre aux propriétaires de démontrer les contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales qui pèsent sur leur bâti justifiant qu’ils se limitent à des travaux permettant un gain d’au moins deux classes.
Enfin, il peut être relevé que la rénovation énergétique performante est qualifiée de globale lorsqu’elle est réalisée5 :
- Dans un délai maximal de dix-huit mois pour les bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation ne comprenant qu’un seul logement ;
- Dans un délai de vingt-quatre mois pour les autres bâtiments ou parties de bâtiment comprenant entre deux et cinquante logements ;
- Dans un délai de trente-six mois pour les autres bâtiments ou parties de bâtiment comprenant cinquante-et-un logements et plus.
Ce délai court à compter de la date du premier ordre de service délivré pour le démarrage des travaux de rénovation, et a pour terme la date du dernier procès-verbal de réception de ces mêmes travaux.
Sanction de l’inaction du propriétaire bailleur : des exceptions prévues afin de préserver le patrimoine, un décret en attente
Lorsque le bailleur loue un logement indécent, il s’expose à devoir indemniser son locataire des troubles qu’il lui cause, sans même qu’une mise en demeure préalable ne doive lui être délivrée6 .
Le locataire peut demander au bailleur de mettre le logement en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du bail7
.
À défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie.
En dernier recours, le juge peut être saisi.
Toutefois, le juge ne peut ordonner la réalisation de travaux visant à permettre le respect du niveau de performance minimal dans les cas suivants8 :
- Le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à ce niveau de performance minimal ;
- Le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes. Les critères relatifs à ces contraintes sont précisés par décret en Conseil d’État.
À ce jour, le décret en Conseil d’État n’est pas paru et aucun projet n’a, à notre connaissance, été communiqué par le ministère.
- Seuil fixé par le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021. ↩
- Définition introduite par l’article 155 de la Climat et Résilience et codifiée à l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation ↩
- Au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation qui définit les catégories suivantes : A = extrêmement performant ; B = très performant ; C = assez performant ; D = assez peu performant ; E = peu performant ; F = très peu performant ; G = extrêmement peu performant. ↩
- Décret n° 2022-510 du 8 avril 2022 pris pour l’application des articles L. 111-1 et L. 126-32 du code de la construction et de l’habitation ↩
- Cf. articles L. 111-1 17°bis et R. 112-19 du code de la construction et de l’habitation. ↩
- Cour de Cassation, 3ème civ., 4 juin 2014, n° 13-12.314. ↩
- Article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée. ↩
- Article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée dans sa rédaction modifiée par l’article 17 de la loi Énergie et Climat de 2018 et l’article 160 de la loi Climat et Résilience de 2021. ↩